La disconnexion physique totale des réseaux d'eaux de qualité différente
Beaucoup d'entre-vous savent que la règlementation a (enfin) évolué en ce qui concerne l'eau de pluie, que cette histoire de disconnexion de réseaux intérieurs d'eaux différentes fait couler beaucoup d'encre et se poser beaucoup de question, mais peu (je pense) parviennent à s'y retrouver dans tous ces "on dit" ..
Essayons de présenter la chose au mieux ... :
voici ce qu'en dit le fameux arrêté du 21 aout 2008 :
Arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments
Art. 3. :
2. Tout raccordement, qu’il soit temporaire ou permanent, du réseau d’eau de pluie avec le réseau de distribution d’eau destinée à la consommation humaine est interdit. L’appoint en eau du système de distribution d’eau de pluie depuis le réseau de distribution d’eau destinée à la consommation humaine est assuré par un système de disconnexion par surverse totale avec garde d’air visible, complète et libre, installée de manière permanente et verticalement entre le point le plus bas de l’orifice d’alimentation en eau destinée à la consommation humaine et le niveau critique. La conception du trop-plein du système de disconnexion doit permettre de pouvoir évacuer le débit maximal d’eau dans le cas d’une surpression du réseau de distribution d’eau de pluie.
voici ce qu'en dit l'arrêté du 17 décembre 2008 :
Arrêté du 17 décembre 2008 relatif au contrôle des installations privatives de distribution d'eau potable, des ouvrages de prélèvement,puits et forages et les ouvrages de récupération des eaux de pluie
Article 1 :
II.― Le contrôle des installations privatives de distribution d'eau issue de prélèvement, puits ou forages et de récupération d'eau de pluie :
1° Concernant les installations privatives de distribution d'eau issue de prélèvement, puits ou forages :
L'agent du service public de distribution d'eau potable vérifie l'absence de points de connexion entre les réseaux d'eau de qualité différente.
Dans le cas contraire, il vérifie que le(s) point(s) de connexion est(sont) muni(s) d'un dispositif de protection accessible permettant d'éviter toute contamination du réseau public de distribution d'eau potable.
2° Concernant les installations privatives de distribution d'eau issue de récupération d'eau de pluie :
L'agent du service public de distribution d'eau potable vérifie :
―l'absence de raccordement temporaire ou permanent du réseau d'eau de pluie avec le réseau public de distribution d'eau potable ;
― l'existence d'un système de disconnexion par surverse totale en cas d'appoint en eau du système de distribution d'eau de pluie depuis le réseau public de distribution d'eau potable.
Les choses sont dorénavant assez claires :
"tout raccordement" , sous-entendu "physique", est désormais interdit entre les 2 réseaux différents , ne sont donc plus admises toutes formes de connexion physique par quelque appareil que ce soit, donc y compris le disconnecteur BA !! ....
La seule chose "admise et conforme" reste désormais* le principe de disconnexion par surverse totale AB !!
Ce principe est la surverse totale avec trop-plein non circulaire de famille A de type B selon la norme NF EN 13077 de 2008 , décrite dans le document technique n° 2 "surverses famille A" du CSTB/AFNOR
Ceci dans le cadre de la Norme NF EN 1717 (P43-100) : "protection contre la pollution de l'eau potable dans les réseaux intérieurs et exigences générales des dispositifs de protection"
Voir détails et croquis par ici ..
(*) : Cependant, il y a une contradiction flagrante entre cette exigence de "surverse totale" (seule) décrite dans l'arrêté du 21 aout 2008 et les principes de disconnexion admis dans la Circulaire du 9 novembre 2009 , à savoir :
"Dans le cas où il existe un ou plusieurs point(s) de connexion entre des réseaux d’eau de qualité différente, l’agent du service d’eau vérifie que chaque connexion est munie d’un dispositif de protection prévu par le règlement de service. Dans l’attente de la parution de l’arrêté prévu à l’article R. 1321-55-1o du code de la santé publique, il est recommandé que le règlement de service prévoit au minimum la présence d’un dispositif de protection par surverse (de type AA, AB ou AE) ou d’un disconnecteur contrôlable (de type EA) tel que défini dans le guide : réseaux d’eau destinée à la consommation humaine à l’intérieur des bâtiments – Partie I : Guide technique de conception et de mise en oeuvre (2004)."
Cette contradiction est déjà étonnante en soi, mais il est encore plus surprenant de lire que ce paragraphe prévoit soit une "surverse" soit un "disconnecteur EA" , ce dernier n'étant en réalité qu'un "clapet anti-retour contrôlable" sans autre sécurité, et qu'il n'est pas prévu un "disconnecteur BA" (le vrai) avec mise à l'égout directe en cas de disfonctionnement ...
A moins qu'il ne s'agisse d'une simple faute de frappe sur les lettres concernées, ce qui est néanmoins sujet à conséquences !
Pourquoi cette exigence de disconnexion ? :
Tout simplement pour éviter tout risque de "retour d'eau" (eau non potable) vers le réseau public d'eau potable !
Si nous utilisons une "autre" eau non potable en + de l'eau potable publique, nous sommes responsable de la protection de ce réseau public (et de tous les autres usagers avoisinants), et avons donc le devoir de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour assurer cette protection ..
selon l' article R 1321-57 du Code de Santé Publique :
"Les réseaux intérieurs mentionnés au 3° de l'article R. 1321-43 ne peuvent pas, sauf dérogation du préfet, être alimentés par une eau issue d'une ressource qui n'a pas été autorisée en application de l'article L. 1321-7. Ils ne doivent pas pouvoir, du fait des conditions de leur utilisation, notamment à l'occasion de phénomènes de retour d'eau, perturber le fonctionnement du réseau auquel ils sont raccordés ou engendrer une contamination de l'eau distribuée dans les installations privées de distribution.
Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la construction, pris après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, définit les cas où il y a lieu de mettre en place des dispositifs de protection et les prescriptions techniques applicables à ces dispositifs. Il appartient aux propriétaires des installations de mettre en place et d'entretenir ces dispositifs."
Que risque-t-on si nous ne le faisons pas ? :
Selon la Circulaire du 9 novembre 2009 :
8. Le rapport de visite
Le rapport de visite précise notamment :
– la date et le lieu du contrôle ;
– le nom de l’agent mandaté par le service d’eau ;
– le nom de l’abonné ou de son représentant.
Le rapport de visite est constitué de deux parties relatives au :
– contrôle des dispositifs de prélèvement, puits, forages ou ouvrages de récupération d’eau de pluie. Cette partie du rapport présente le constat des éléments observés lors du contrôle. Le constat est le recensement écrit, à titre d’information, des éléments ayant fait l’objet du contrôle.
Ce constat n’a qu’une simple valeur de renseignement ;
– contrôle des installations privatives de distribution d’eau issue de prélèvement, puits ou forages et de récupération d’eau de pluie. Cette partie du rapport présente le constat des éléments observés, et indique, le cas échéant, les risques constatés et les mesures à prendre par l’abonné.
Lorsqu’il apparaît que l’ouvrage ou les installations intérieures contrôlées ne garantissent pas la protection du réseau public d’eau, le rapport de visite notifié à l’abonné expose la nature des risques constatés et fixe les mesures à prendre par l’abonné dans un délai déterminé, incluant, s’il y a lieu, les travaux à réaliser. Dans ce cas, le rapport de visite est également adressé au maire de la commune concernée.
Le rapport peut utilement préciser que, dans le cas où l’abonné est locataire, il convient qu’il informe le propriétaire des conclusions du contrôle et des travaux à réaliser. Aux termes de l’article 6a) de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989, le logement loué doit être délivré au locataire en bon état d’usage. Ainsi, des travaux réalisés pour le respect de normes imposées par la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité sont à la charge du bailleur.
9. Les suites du contrôle en cas de risque de contamination du réseau
A l’issue du délai fixé par le rapport de visite et en l’absence de justificatifs de travaux fournis par l’abonné, il est recommandé que le service d’eau procède à une nouvelle visite de contrôle. Si le risque de contamination du réseau public d’eau perdure après cette nouvelle visite, et après une mise en demeure (article R. 2224-22-5 du CGCT), le service d’eau peut procéder à la fermeture du branchement d’eau (article L. 2224-12 du CGCT).
Il convient de préciser, en revanche, que le service d’eau ne détient aucun pouvoir lui permettant d’imposer à un propriétaire ou occupant de cesser d’utiliser son puits, son forage, sa source ou son installation de récupération d’eau de pluie.
10. Les sanctions
Il est rappelé qu’en application de l’article L. 1324-4 du code de la santé publique [en cas de réelle pollution du réseau public] , « le fait de dégrader des ouvrages publics destinés à recevoir ou à conduire des eaux d’alimentation ou de laisser introduire des matières susceptibles de nuire à la salubrité, dans l’eau de source, [...], aqueducs, réservoirs d’eau servant à l’alimentation publique [...] est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende ».
Selon l' article L 2224-12 du C.G.C.T. :
".../...
En cas d'utilisation d'une autre ressource en eau par l'abonné, le règlement de service prévoit la possibilité pour les agents du service d'eau potable d'accéder aux propriétés privées pour procéder au contrôle des installations intérieures de distribution d'eau potable et des ouvrages de prélèvement, puits et forages. Les frais de contrôle sont mis à la charge de l'abonné. En cas de risque de contamination de l'eau provenant du réseau public de distribution par des eaux provenant d'une autre source, le service enjoint à l'abonné de mettre en oeuvre les mesures de protection nécessaires. En l'absence de mise en oeuvre de ces mesures, le service peut procéder à la fermeture du branchement d'eau. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'accès aux propriétés privées et de contrôle des installations prévues par le présent article.
.../..."
Selon l' article R 2224-22-5 du C.G.C.T. :
"Lorsqu'il apparaît que la protection du réseau public de distribution d'eau potable contre tout risque de pollution n'est pas garantie par l'ouvrage ou les installations intérieures contrôlés, le rapport de visite expose la nature des risques constatés et fixe les mesures à prendre par l'abonné dans un délai déterminé.
Dans ce cas, le rapport de visite est également adressé au maire de la commune concernée.
A l'expiration du délai fixé par le rapport, le service peut organiser une nouvelle visite de contrôle et procéder, si les mesures prescrites n'ont pas été exécutées, après une mise en demeure restée sans effet, à la fermeture du branchement d'eau potable."
Pour mieux comprendre les différences de matériels, voici les images :
> Clapet de non-retour anti-pollution contrôlable EA :
> Disconnecteur à zone de pression réduite contrôlable BA :
> voir une doc technique : http://www.wattsindustries.com/images1/wif/doc/d_ba_bm_fr.pdf
> voir une animation du fonctionnement de ce disconnecteur :
http://www.socla.com/site/anim_disco_securites.htm
Concernant les "gestionnaires d'eau de pluie" , ou "station de pompage automatisée" , assurant la disconnexion par surverse AB :
La plupart des "stations de pompage" à basculement automatisé EDV >< EDP présentes maintenant sur le marché respectent ce principe de "disconnexion par surverse" au niveau de leur petit réservoir tampon ..
C'est le matériel désormais le plus généralement installé en France, puisque "conforme", facile à vendre, simple à installer et autonome ..
Néanmoins, ce type de station reste cher et n'est pas forcément nécessaire sur une installation dont le stockage est correctement dimensionné où le recours à l'appoint d'eau de ville ne serait vraiment qu'exceptionnel, ne justifiant donc pas l'investissement de pareil matériel dont la vocation principale ne servirait pas ..
Donc, vu le surcout de ce matériel (n'incluant pas la surpression !) comparativement à une solution de pompage - surpression classique, n'est-il pas plus judicieux de remplacer ce surcout par un volume de stockage supplémentaire (selon potentiel) qui permettrait une eautonomie accrue, éliminant (?) le risque d'être "à sec" et .. de fait, le besoin de recourir à l'appoint eau de ville occasionnel .. ?
Aussi, il y a un principe induit un peu stupide dans le fonctionnement de ces "gestionnaires", c'est que lorsque la station bascule en eau de ville, il faut néanmoins continuer à utiliser la pompe (et système de surpression) pour remettre cette eau de ville sous pression dans le réseau intérieur (avec électricité de la pompe)... après avoir couper cette pression (naturelle) venant du réseau public d'adduction !!
Exemple en image d'un de ces types de "gestionnaires" :
En haut à droite se trouve le petit réservoir tampon de réserve, dans lequel la pompe va puiser l'eau de ville en cas de "à sec" en eau de pluie, qui sera détecté par la sonde de niveau plongée dans la cuve eau de pluie, qui permettra au tableau de commande de permuter l'électrovanne 3 voies à l'entrée de la pompe ..
C'est au niveau de ce petit réservoir tampon que la "surverse totale" est effectuée, où l'eau de ville vient "chuter" dans le réservoir, sortant de l'extrémité du tuyau d'alimentation positionné plus haut que le niveau de débordement du réservoir ! , c'est ce qu'on appelle la "mise à l'air libre" ou aussi la "rupture de charge" (coupure de pression)
Ce réservoir et sa vanne-flotteur fonctionne sur le même principe qu'une chasse de WC ..
Il est possible, selon situation particulière à analyser, d'opter pour d'autres alternatives simples mais bien moins coûteuses pour assurer cette disconnexion physique totale des réseaux ..
Je vous invite à venir en discuter sur notre forum ...
(> en forum "Matériel/Technique" > sous-forum "conception d'installation")
Cordialement
"Pierre L'écoleau"