Quand l’eau du sous-sol défie les frontières
A la frontière entre au moins deux pays, les réserves d’eau souterraine transfrontalières sont plus ou moins délaissées du fait de la difficulté que représente leur gestion à plusieurs Etats. Afin de les mettre en valeur et de les protéger d’une surexploitation future, le Programme Hydrologique International (PHI) de l’Unesco, lancé en 2000, vient de publier la première carte mondiale référençant les multiples aquifères transfrontaliers à l’échelle du monde.
Si l’on en croit cet inventaire, la planète accueille à l’heure actuelle quelque 273 aquifères transfrontaliers, dont 68 répartis sur le continent américain, 38 en Afrique, 65 en Europe orientale, 90 en Europe occidentale et 12 en Asie. Représentant un volume 100 fois supérieur à l’eau douce de surface, ces aquifères participent aujourd’hui largement à la consommation en eau douce. Ils ont ainsi peu à peu été mis à contribution à partir de la deuxième moitié du XXe siècle pour faire face à une demande croissante en eau. A l’heure actuelle, plus de 70 % de l’eau utilisée en Union européenne est issue de ces bassins souterrains. Dans certaines régions arides et semi-arides, notamment en Arabie Saoudite et à Malte, ces derniers représentent même l’unique source d’eau potable.
L’usage fait de ces ressources en eau est multiple. Si l’on s’en réfère aux moyennes mondiales, 65 % de l’eau prélevée sur les aquifères va à l’irrigation, 25 % à l’alimentation en eau potable et 10 % à l’industrie.
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Mais si ces réserves d’eau souterraines ouvrent de belles perspectives, toutes ne sont pas inépuisables. C’est le cas des aquifères d’Afrique du Nord et de la péninsule arabique qui, constitués il y a plus de 10 000 ans à la faveur d’un climat plus humide, ne bénéficient plus aujourd’hui de précipitations régulières et ne sont donc pas rechargés. Cela ne signifie pas que les aquifères dits « renouvelables » soient hors de danger. Dans certaines régions, les réserves d’eau souterraines sont confrontées soit à des phénomènes de pollution, soit à une surexploitation. En attestent les petites îles et zones côtières méditerranéennes où l’exploitation de l’eau se pratique bien souvent à un rythme supérieur à sa capacité de renouvellement.
Dans un contexte mondial de crise de l’eau, nul doute que les aquifères souvent délaissés, à l’image des grands bassins souterrains africains encore largement sous-exploités, sauront trouver un regain d’intérêt. Aussi, pour préserver ce potentiel, l’Unesco souhaite aider les pays frontaliers à mettre en place des « mécanismes de gestion concertée ». Dans cette optique, la Commission du droit international des Nations Unies présentera le 27 octobre, à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations Unies, un projet de Convention sur les aquifères transfrontaliers destinée à fixer un cadre juridique relatif à leur exploitation. Une initiative capitale au regard de l’augmentation constante de nos besoins en eau, résultant notamment de la croissance démographique mondiale et de l’évolution des comportements alimentaires (1).
23/10/2008 Cécile Cassier
1- Les céréales nobles sont de plus en plus demandées, notamment le blé et le riz gourmands en eau. La viande est loin d’être neutre en matière de consommation d’eau puisque un kilo de bœuf nécessite entre 2000 et 20 000 litres d’eau en fonction du climat local.
Voir le dossier « L’eau, l’homme et l’alimentation » dans le n°22 d’Echo Nature.
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Univers Nature ..
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